L’amour universel selon Benjamin Millepied

Un écran géant surplombe la scène revêtue de rouge sur laquelle 16 danseurs, divisés entre Capulet et Montaigu, se confrontent et se mélangent dans un ballet époustouflant. La musique de Sergueï Prokofiev résonne dans l’enceinte de La Seine Musicale et accompagne ce drame shakespearien revisité par le chorégraphe et cinéaste Benjamin Millepied. Son Roméo et Juliette Suite version 2022 transcende les codes : les rôles principaux sont interprétés à chaque représentation par un homme et une femme, deux hommes ou deux femmes, les spectateurs ne le découvrent qu’une fois le spectacle commencé. “Je suis intimement convaincu qu’on ne peut plus parler d’amour aujourd’hui en évoquant uniquement le sentiment qui unit un homme et une femme, exprime Benjamin Millepied. La distribution a été modifiée à chaque représentation pour refléter au mieux ce que nous voyons partout dans la société.”

En 2010, Benjamin Millepied a vu sa carrière prendre un nouveau tournant quand le réalisateur Darren Aronofsky l’a sollicité pour chorégraphier des scènes de son film Black Swan. Nommé directeur de la danse à l’Opéra national de Paris en 2013, il a fondé en parallèle la compagnie L.A. Dance Project (fondée en 2012 avec Charles Fabius, la compagnie de danse basée à Los Angeles s’est produite dans plus de 100 villes dans le monde) “Sa création Roméo et Juliette Suite est sortie du lot car elle représente le retour de Benjamin Millepied sur une œuvre fondamentale, explique Olivier Haber, directeur général de STS Evénements, exploitant de La Seine Musicale, qui a coproduit le ballet. Ce projet lui permet d’adopter une image plus moderne et de toucher des publics larges et différents.” Après quatre reports du fait de la pandémie de covid, les représentations se sont tenues du 15 au 25 septembre 2022. « Un succès qui a rencontré son public », se félicite Olivier Haber, qui évoque 35 000 billets vendus.

Conjuguer danse et cinéma

Les amants maudits, interprétés le 20 septembre 2022 par Sierra Herrera et Peter Mazurowski, entament un magnifique pas de deux sur la scène avant de quitter subitement la salle, à la grande surprise des spectateurs.

Le duo traverse le hall de la Seine Musicale et sort sur la Place Rodin pour la scène du baiser. Captés par la caméra du directeur de la photographie Trevor Tweeten et sous la réalisation d’Olivier Simola, les mouvements des danseurs sont diffusés en direct dans la salle. La caméra tourne, zoome et dézoome autour du couple faisant ressentir au public le tourbillon émotionnel vécu par les amants. L’intégralité du spectacle est filmée et retransmise en temps réel. Cette prouesse technique et artistique est une volonté de Benjamin Millepied afin “d’exprimer la narration de manière plus réaliste, loin des conventions auxquelles nous sommes habitués avec le ballet classique”.

Ce dispositif innovant a permis au chorégraphe de créer des moments du ballet en dehors de la scène principale. Loges, couloirs, quai logistique… des espaces inédits de La Seine Musicale sont investis par les danseurs. Pour ajouter de la modernité, un travail important a été fait sur les lumières. “Des tubes lumineux sont manipulés par la troupe tandis que l’éclairage au néon crée un langage visuel ininterrompu entre l’espace et les danseurs”, explique François-Pierre Couture, éclairagiste et scénographe. Pendant tout le spectacle, une vingtaine de personnes sont présentes en coulisses pour assurer la logistique technique. L’ambition placée dans cette création inédite bouleverse les spectateurs qui se lèvent pendant plusieurs minutes afin d’acclamer la troupe au terme de la représentation

Shakespeare sur TF1

Sur le parvis de La Seine Musicale, au-dessus des terrasses de restaurants, un
immense écran sur fond doré annonce “Roméo et Juliette Suite, création
mondiale”. Pour promouvoir le spectacle, un important dispositif de
communication a été mis en place. “Nous avons travaillé sur un traitement
moderne des visuels de promotion pour refléter au mieux l’ambition du
chorégraphe », souligne Mélissa Saint-Fort, directrice du marketing, de la
communication et des partenariats de La Seine Musicale. La salle de spectacle,
dont le groupe TF1 est actionnaire à 55 %, “nous permet de bénéficier d’une
proximité avec la régie publicitaire de TF1 afin d’obtenir des tarifs
préférentiels et de connaître en amont leur programmation”, complète-t-elle.

Autre exemple de synergie : la captation du spectacle, réalisée par la
société de production Helliox, a été acquise par TF1 pour une diffusion à
l’automne 2022. De la scène à la télévision, ce succès artistique casse les
codes et transcende les genres.